Une société est contrainte de mettre en conformité les locaux qu'elle loue :
Qui devra en supporter le coût ?
Les faits
Une société est contrainte par l’administration de réaliser, dans les locaux qu’elle loue, des travaux de mise en conformité avec les normes acoustiques. Elle réalise donc les travaux et en demande le remboursement au bailleur, ces travaux lui incombant par principe.
Le bailleur refuse de les rembourser, une clause du bail commercial prévoyant expressément que ces travaux sont à la charge du locataire. Qui a raison ?
La décision du juge
Le juge rappelle que les travaux prescrits par l’autorité administrative ou les normes réglementaires incombent au bailleur, et qu’il ne peut être dérogé à ce principe que par une clause expresse du bail.
Il relève que le bail commercial stipulait que le preneur aurait « à sa charge toutes les transformations et réparations nécessitées par l’exercice de son activité », et qu’il devrait « assurer [l’exercice de son activité] en conformité rigoureuse avec les prescriptions légales et administratives pouvant s’y rapporter ». Par ailleurs, l’avenant à ce contrat, qui avait ajouté à l’objet du bail l’activité de « bar à ambiance musicale », prévoyait que « le preneur devra se conformer rigoureusement aux prescriptions administratives et autres concernant l’exercice de cette activité, et veiller à ce que celle‑ci n’apporte aucune nuisance de quelque sorte que ce soit aux autres occupants de l’immeuble ou du voisinage, de manière à ce que le bailleur ne puisse être à l’avenir inquiété ou recherché pour quelque cause que ce soit à ce sujet ».
Il décide donc que, par cette clause, les parties avaient entendu transférer au locataire la charge des travaux, notamment d’isolation phonique, qui s’avéreraient nécessaires à l’exercice de la nouvelle activité, par dérogation aux obligations normalement mises à la charge du bailleur. La demande de remboursement du coût des travaux est donc rejetée (Cass. 3e civ. 29-6-2022 n° 21-14.482) .
Des travaux de mise aux normes
Des travaux par principe à la charge du bailleur… Les travaux prescrits par l’administration sont à la charge du bailleur, sauf stipulation contraire.
… sauf clause dérogatoire dans le bail. Les parties peuvent donc prévoir dans le bail que le coût de ces travaux sera supporté par le locataire, à la condition que cette clause dérogatoire soit claire et précise.
… et sauf si… Même en l’absence d’une clause dérogatoire, la Cour de cassation a considéré que le coût des travaux ordonnés par l’autorité administrative peut être supporté par le locataire lorsque ceux‑ci sont rendus nécessaires, en raison de l’adjonction par le locataire d’activités complémentaires à celles contractuellement prévues, ou lorsqu’ils résultent du choix de l’activité du locataire dans le cadre d’un bail « tous commerces » (Cass. 3e civ. 19-4-1989 n° 87-14.535) .
Une exception : les « gros » travaux. Pour tous les baux commerciaux conclus ou renouvelés depuis le 5‑11‑2014, il est interdit de mettre à la charge du locataire les travaux de mise en conformité de l’immeuble avec la réglementation, s’ils relèvent des grosses réparations de l’article 606 du Code civil, c’est‑à‑dire s’ils touchent à la structure ou à la solidité générale de l’immeuble. En l’espèce, même si la décision commentée a été rendue sous l’empire du droit antérieur au décret de 2014, elle demeure transposable au droit actuel. Les travaux d’isolation phonique ne semblaient pas entrer dans la catégorie des grosses réparations. Par contre, s’agissant d’un bail professionnel, il faut se référer aux clauses du bail.
La clause d’un bail commercial imposant au locataire de se conformer aux prescriptions administratives nécessitées par son activité et de veiller à n’apporter aucune nuisance au voisinage décharge expressément le bailleur du coût des travaux de mise en conformité des locaux. Il n’en serait autrement que s’il s’agit de grosses réparations.
Article publié par Alertes et Conseils aux Editions Francis Lefebvre